Follow Me est une expérience narrative interactive dans l'espace public d'une durée de deux heures créée par la Cie Queen Mother. Entre quinze et trente-cinq personnes déambulent dans la ville, sans savoir où elles vont, guidées par un·e inconnu·e grâce à des SMS reçus sur leur téléphone. L'échange engage le lâcher-prise, pousse à écrire et créer un rapport de confiance avec un·e autre caché·e.

Premiers échanges : créer un lien, se dévoiler en douceur

En s'inscrivant à l'expérience, les participants savent qu'ils prennent un rendez-vous dans un quartier donné de la ville, mais ils ignorent l'endroit précis. Deux heures avant ce rendez-vous, ils reçoivent un premier message de prise de contact et, s'ils le souhaitent, peuvent commencer à échanger avec leur inconnu·e.

C'est l'occasion de raconter où ils se trouvent dans leur quotidien, quels sont leurs espaces et gestes familiers (certains prennent le petit déjeuner, d'autres font les courses ou boivent un verre avec des amis), c'est aussi l'occasion de partager ce qu'ils attendent de l'expérience.

Ce n'est pas à sens unique : l'inconnu·e laisse aussi parler sa sensibilité du moment, tout en restant flou en termes de genre, d'âge ou de lieu où iel se trouve. C'est un partage de ce que ressent son corps, de ses émotions, c'est une recherche de précision dans l'indéfini. 

Guidé au présent : explorer, ressentir, se laisser surprendre

Moins d'une heure avant le rendez-vous, l'adresse précise leur en est donnée. C'est toujours un endroit particulier, où l'on peut s'asseoir, s'abriter, observer des choses, se cacher. Sur place, l'expérience Follow Me commence vraiment. Les participants sont invités à écouter, sentir, regarder le spectacle que les gens et l'architecture leur donnent à voir.

Il peut leur être demandé de fermer les yeux et raconter ce qu'ils ont entendu ou bien de décrire ce qu'ils ont sous leur regard... et leur inconnu·e confie en retour pourquoi iel a choisi ce lieu de rendez-vous, ce qu'iel y a ressenti, perçu. 

La langue de l'inconnu·e est un peu étrange, poétique, légèrement flirteuse, amicale et toujours rassurante. Des interactions peuvent avoir lieu : écrire une lettre, faire un geste, mettre un casque anti-bruit, prononcer un mot-clé à une commerçante... 

Au bout d'un certain temps, l'inconnu·e incite le participant à quitter le lieu de rendez-vous et à se déplacer. Iel le guide comme si le joueur était dans la nature, en décrivant des directions à prendre, des repères visuels, jamais de noms de rue. L'inconnu·e l'amène ainsi à aller voir des choses étonnantes du quartier, à passer des portes fermées, à imaginer ce qui n'est pas immédiatement perceptible, comme le passé ou l'avenir d'un endroit ou bien la vie des passants. À nouveau, il peut y avoir des actes de posés : écrire, donner une lettre, faire un mouvement, toucher quelque chose, dessiner à la craie, se recueillir... 

Lâcher-prise et marcher librement

Finalement, après une vingtaine de minutes de cette déambulation guidée, la main est lâchée. Les participants sont invités à marcher au hasard, sans autre but que suivre leurs désirs, ceux de leur corps et de leurs pensées, le téléphone bien rangé dans la poche.

Ils sont invités à lever les yeux, à regarder, écouter, ressentir et en prendre conscience car, à l'issue de cette errance, l'inconnu·e attend que le joueur lui raconte ses trouvailles en utilisant des phrases, des listes, ou une petite forme poétique comme le haiku. L'important, c'est de partager son expérience avec quelqu'un qui est là pour écouter, quelqu'un qui attend patiemment.

Une empreinte sur la ville

Tout au long de cette balade dans la ville, les participant croisent des marques posées sur les murs : ce sont des bulles rouges qui contiennent des phrases poétiques ou amusantes, faisant référence à ce qui est en train de se passer pour les joueurs ou bien à l'endroit où elles se trouvent.

Ces bulles, qui peuvent être minuscules ou immenses, sont là pour montrer aux participants qu'ils ne sont pas vraiment seuls ici, que leur inconnu·e est passé·e par là et leur a laissé des traces. Ce ne sont pas des cailloux de petit poucet, car elles ne mènent nulle part. Elles délimitent l'espace de jeu et servent à laisser sur la ville la mémoire fugace de Follow Me, complices pour celles et ceux qui y auront participé.

L'ultime rencontre : un moment de partage et d'adieu

En fin d'expérience un dernier lieu est indiqué aux participants, un dernier rendez-vous, avec le secret espoir de se rencontrer enfin. Ce lieu, c'est un écrin de verdure caché dans la ville, d'où se dégage une musique étrange et réconfortante. Il y a de quoi s'abriter du soleil ou de la pluie, des boissons, c'est un calme refuge. Dans cet endroit, une lettre au nom du joueur a été déposée. Mais elle n'est pas seule, il y a là des enveloppes pour de nombreux noms, une par participant à vrai dire, puisque tous les parcours convergent vers cet endroit spécial.

Et les joueurs arrivent au compte-gouttes, dans des états différents selon la manière dont ils ont vécu l'expérience Follow Me. Chacun prend alors sa lettre, lit son courrier dans son coin, puis se mêle aux autres. Pour chacun, l'inconnu·e attend de l'autre côté du téléphone leurs derniers mots, comme un adieu. Certains oublient de dire au-revoir, d'autres profitent de ce moment pour lui envoyer un message touchant. 

Chaque participant peut partager avec les autres participants le récit de son expérience ou bien le garder pour lui, en tous cas ils se rencontrent entre êtres vivants, sortent de la bulle. Jamais ils ne verront le visage de leur inconnu·e. 

Une expérience rare de presque solitude

Pour les les personnes qui traversent Follow Me, c'est une expérience de confiance, de lâcher-prise, de découverte de la ville et de la déambulation d'une manière sans doute nouvelle.

C'est aussi une expérience rare de rencontre avec une altérité incarnée, bien qu'invisible. Une altérité qui laisse des pans entiers de son existence à l'imagination du joueur. C'est parfois aussi l'occasion unique d'une introspection, de l'ouverture du regard poétique et intime, accompagné d'une main sur l'épaule : celle de l'inconnu·e. 

Follow Me est une expérience de presque solitude, déjà vertigineuse pour bien des gens.

Tisser des parcours : guider l'inattendu en temps réel

Côté écrivain, c'est d'abord un travail de repérage qui a lieu, pour trois à sept parcours individuels. Chaque parcours est conçu comme un niveau sensible, rythmé de temps calmes ou accélérés, intégrant une progression qui va de l'accompagnement à l'autonomie. 

Chaque parcours a sa propre histoire, son propre chemin : certains sont complexes, d'autres plus faciles ; certains sont émotionnels, d'autres plutôt ludiques ; certains parcours favorisent les sens, là où d'autres favorisent l'introspection ou bien l'interaction avec autrui. Des parcours accessibles sont chaque fois créés pour les publics qui ne peuvent pas marcher facilement.

Pendant l'expérience, les "textauteurs" discutent en direct avec trois à sept joueurs-interlocuteurs. Il s'agit pour eux de créer un lien inter-individuel au travers de l'écriture, un lien intime et qui doit paraître unique, malgré la multitude de discussions parallèles.

C'est donc une véritable course d'endurance pour les écrivains, dont l'effort doit être imperceptible pour les participants. En dépit de cette difficulté, et de la nécessité de guider les participants, l'échange doit laisser la place à la spontanéité, au plaisir, à la rencontre qui doit avoir lieu malgré tout, malgré les mécaniques. 

Se suivre et ouvrir de nouveaux chemins

Follow Me a joué dans neuf villes durant cinq ans. C'est un projet qui a pour ambition de laisser une trace, briser un grand pan d'habitudes, ouvrir le regard, délier l'écriture, réchauffer la confiance en l'autre, faire lever le yeux en marchant, donner  le goût de se perdre et d'aller sans but parfois.

Bref, qu'il y ait un avant et un après Follow Me.

Certains témoignages tout au long de ces représentations laissent penser que nous y sommes parvenus.